Le bien être animal de nos moutons.
Lorsque l’on parle de laine, le mouton n’est jamais bien loin. Aussi en France lorsque l’on se renseigne sur les conséquences de l’industrie lainière sur le bien-être animal, rapidement les discussions s’orientent sur les laines mérinos du bout du monde. La provenance lointaine de ces laines (Australie notamment) questionne parfois sur la traçabilité et le respect de certaines normes et pratiques.
Je tiens donc à préciser que je parlerai ici de laines locales, françaises, sous-produits de l’élevage de nos moutons dans nos régions.
Quelles conditions d’élevage en France pour nos moutons ?
En France, on dénombre environ 7 millions de moutons, élevés pour leur viande, leur lait ou pour de l’éco-pâturage.
Élever des ovins ne s’improvise pas. Un ensemble de dispositions réglementaires existe dès lors que l’on possède une brebis avec ou sans le statut professionnel.
Cela permet d’assurer la protection des animaux (conditions d’élevage, détection de maladie par exemple), de la santé publique et de la préservation du statut sanitaire de la filière.
La tenue d’un registre d’élevage est obligatoire. Elle assure la traçabilité des mouvements d’animaux, des soins vétérinaires et aussi de l’alimentation des animaux.
Tout détenteur d’animaux doit garantir le bien-être de ceux-ci. Il est même indiqué qu’il faut prendre toutes les mesures afin de respecter les cinq libertés individuelles de l’animal. Elles s’expriment ainsi dans les textes.
Les 5 libertés individuelles de l'animal
- Absence de faim, de soif et de malnutrition (accès à l’eau et à une nourriture en quantité appropriée et correspondant aux besoins de son espèce)
- Absence de peur et de détresse (conditions d’élevage qui ne lui induisent pas de souffrances psychiques)
- Absence de stress physique et/ou thermique (l’animal doit disposer d’un certain confort physique)
- Absence de douleur, de lésions et de maladie (l’animal ne doit pas subir de mauvais traitements pouvant lui faire mal et il doit être soigné en cas de maladie)
- Liberté d’expression d’un comportement normal de son espèce : son environnement doit être adapté à son espèce (il doit être en groupe si c’est une espèce sociale par exemple).
Je trouve cela rassurant de lire ces règles, qu’elles donnent le cadre de ce sujet si important.
Les élevages visités en Savoie m’ont fait prendre conscience de la responsabilité qu’endossent les paysans, les éleveurs. Ils gèrent des êtres vivants, parfois en grand nombre, cela requiert un grand engagement.
C’est ainsi que pendant mes expériences sur des chantiers de tonte, j’ai rencontré des amoureux·ses de nature et de bêtes. Ces métiers exigeants et fatigants ne seraient selon moi pas viables sans une passion pour le monde animal.
En pays de Savoie, et en France de manière générale, les troupeaux vivent au grand air la plupart du temps. Lorsque le climat est plus rude en hiver, en montagne, une bergerie les accueille et abrite quelques temps.
Et puis à l’arrivée du printemps, la saison de tonte démarre.
Idéalement les brebis seront sorties un peu avant la tonte. Cela permet de se débarrasser naturellement des pailles et débris accumulés pendant les mois d’hiver en bergerie, d’aérer la laine.
Ainsi la laine sera sous son meilleur jour pour la coupe printanière.
Pourquoi doit-on tondre les moutons ?
Il est vrai que l’ancêtre du mouton, le mouflon, n’avait pas besoin de tonte lui. C’est sa modification génétique qui a conduit à ce que la laine pousse sans interruption. Oui mais ça c’était avant…
Aujourd’hui les moutons : bélier, brebis et agneaux passent chez le tondeur 1 à 2 fois par an. C’est un peu l’équivalent du coiffeur ou barbier pour nous les êtres humains.
La tonte des moutons est à ce jour obligatoire en France pour assurer le bien-être animal.
Tout d’abord parce que les fibres de laine poussent en continu. Recouvertes de suint (graisse de laine), elles finissent par peser (en moyenne 2 kg / an) sur le dos de nos quadrupèdes.
Mais aussi car ce manteau est un nid à parasites, à tiques notamment bien cachées au chaud sous la laine. Retirer la toison va débarrasser le mouton de ces vilaines petites bêtes.
Enfin, lorsque le mercure grimpe en été, on imagine aisément que les brebis préfèrent une robe légère à l’épais manteau appréciable en hiver. Cette nudité passagère offre en outre la possibilité de repérer d’éventuels soins à prodiguer (état des mamelles, vulve, testicules, onglons…).
Si certaines races comme celle de l’île de Soay (Ecosse) ont la faculté de perdre naturellement leur toison, pour nos races locales, il faut passer par la case “tonte”.
Et la tonte, comment ça se passe ?
Les chantiers de tonte sont des moments de l’année bien particuliers.
C’est une journée conviviale, parfois plusieurs en fonction de la taille du cheptel, en mode “ferme ouverte”.
Ce moment réunit et crée du lien entre les acteurs de la filière en local. Se retrouvent pour cet évènement annuel les éleveurs·ses, les tondeurs·ses, les éventuels attrappeurs et les ramasseurs·ses trieurs·ses de laine.
Idéalement, les brebis sont rassemblées la veille, au sec, dans un endroit propre et se tiennent prêtes, ensemble .
Très tôt le matin, lorsque le soleil se lève, la bergerie se remplit d’une atmosphère joyeuse.
Les tondeurs et tondeuses se mettent en place et les attrapeurs (qui sont souvent les éleveurs) commencent à conduire les brebis une à une sur la planche de tonte en les basculant sur le dos afin de les immobiliser et d’éviter les coupures.
Cette planche constitue un support propre et lisse sur lequel l’animal n’aura pas prise au sol. Aussi, pour récolter une laine propre et garantir la sécurité, ce plancher est balayé entre chaque opération.
Celle-ci est aussitôt récupérée sur la planche puis jetée sur la table de tri où les débris, les écarts, parties souillées sont mis de côté. La toison est ensuite pliée et placée dans un curon.
C’est ainsi qu’elle est tassée et stockée avant de partir se faire laver et transformer en fil, nappe, ouate, feutre…
S'appuyer sur des savoirs-faires existants
Toute cette partie récolte de la laine est un travail essentiel qui prend du temps, beaucoup de temps. J’ai choisi de démarrer le projet Lanana dans un délai plutôt court. Mon objectif premier est de réaliser si les produits imaginés avec ces laines locales répondent à des besoins et valeurs.
Pour ces raisons, je m’appuie aujourd’hui sur le bureau Marelha. Marelha s’approvisionne auprès de 12 éleveurs de race Auroise (Haute-Pyrénées) en ayant créé le GIE “Toison d’Aure”. Ce groupement d’intérêt économique travaille sur l’amélioration des propriétés lainières des bêtes. Il permet aussi de garantir la traçabilité et le bien-être animal, sujet de cet article.
Afin d’aller au bout de la démarche écologique et éthique, il valorise les déchets organiques et garantit un prix de laine fixe, validé par les éleveurs.
Tout cela, pour se retrouver des mois plus tard dans des couvertures sacs de couchage, gilet Lanana. De quoi envelopper de douceur et de chaleur tous les amoureux·ses de nature, matières nobles et renouvelables.